Paris était une femme

Paris was a woman.


Paris �tait une femme_ metro_ domenico_ ghirlandaio

that’s my story and i am sticking to it!

the painting is Domenico Ghirlandaio’s “young woman” (1485), with some fresh INK on it.

2 thoughts on “Paris était une femme

  1. ECHO

    QUAND DANS LE CHARME ARDENT
    DE TA PALE BEAUTE
    JE CHERCHAIS COMME D’AUTRES
    TON RIRE ET TON REGARD,
    A QUI SOURIAIS-TU,
    DIS, STATUE TERRIFIANTE?
    QUI DONC VOYAIS-TU
    NE REGARDANT PERSONNE?

    Rome, le 4 septembre 2007

    D

  2. PARIS ETAIT UNE FEMME
    PARIS ETAIT MOI

    Je cherche le mot juste, mais je ne le trouve pas. Il y a longtemps que je cherche. Au début, je l’ai cherché en allemand, puis je me suis dit : assez, je ne le trouverai jamais, cette langue ne me servira pas, j’y nagerai dans les approximations romantiques et les euphémismes. Mais la langue française, en revanche, me paraissait si précise, trop précise même pour moi qui étais dans le vague.
    Et pourtant il devrait bien exister ce mot, un mot précis, solide, acéré.
    On dit qu’au siècle prochain, quand l’espérance de Vie sera de cent cinquante ans, on oubliera non seulement le nom de ses grands-parents, mais aussi de ses parents.
    Si j’ai connu un jour le mot que je cherche, comment ai-je bien pu le perdre ?
    Je me suis beaucoup déplacée.
    Ma Vie, telle la Gaule de Jules César – même si nos préoccupations ne sont pas identiques – est divisée en trois parties. Mais si Jules César – ne croyez pas, mon Général, que j’aie l’audace de me comparer a Vous. Il ne manquerait que cela ! – s’occupa de l’espace, moi, qui écris ces lignes, j’ai été toute ma Vie préoccupée par le temps, qu’on ne saurait ni acheter, ni dérober, ni falsifier.
    Il se peut donc que je l’aie connu et perdu en cours de route, ce mot qui me manque et qui devrait désigner un sentiment précis, précieux, semblable à une flamme, basse chez les uns, haute chez les autres.
    Une flamme qui s’est maintenue pendant des millénaires, se moquant des tempêtes, des orages et des guerres.
    Une flamme intrépide, belle, toujours à mesure humaine.
    Or voici que soudain vient la découverte.
    Oui, le mot juste, celui que je cherchais au commencement, il est venu à moi.
    Et c’est NECESSITE.
    La NECESSITE, Vous dis-je, le besoin que deux Etres ont souvent l’Un de l’Autre, même s’il n’y a sans doute jamais de totale égalité.
    Une NECESSITE présente, pressante et solide comme le besoin de tendresse, de chaleur et de larmes.
    Une NECESSITE profondément inscrite dans le secret des confessions, des silences, peut-être même de la volupté.
    NECESSITE sous-tendue par une force créatrice, NECESSITE d’aimer et d’être aimé.
    NECESSITE, dont, ici, je me réclame.

    Il m’est arrivé, à divers moments de ma Vie, d’esquisser mes souvenirs, mais lorsque je parlai de moi, je ne me sentais pas tout à fait à l’aise, un peu comme si je voulais imposer à mon lecteur un personnage importun. Ma pensée vit à la fois dans le passé comme mémoire et dans le présent comme conscience de soi aux prises avec le temps. Quant au futur, il n’y en aura pas forcément un, ou peut-être sera-t-il bref et anodin.
    Dans mon esprit, l’histoire de ma Vie a un début, un milieu et une fin.
    On peut vivre pour l’Au-delà, pour les générations à venir ou dans le présent : personnellement, j’ai très tôt opté pour la féroce immanence, comme l’appelle Herzen.
    Je me suis efforcée de rechercher le sens de la Vie, sans idée préconçue.
    Je n’ai jamais été capable d’observer Autrui de façon aussi attentive et approfondie que moi-même. J’ai parfois essayé de le faire, surtout dans ma jeunesse, mais cela ne m’a guère réussi. Il y a des gens qui en sont peut-être capables, mais je n’en ai pas connu. Toujours est-il que je n’ai jamais trouvé quelqu’un qui sache voir en moi plus loin que moi-même. La connaissance de soi a été une donnée constante de ma Vie, mais je ne saurai dire quand l’idée m’en est venue. Je me souviens très bien, par contre, quand j’ai su pour la première fois que la Terre était ronde, que toutes les grandes personnes avaient un jour été ENFANTS, que Lincoln avait libéré les Noirs. Pour autant que je m’en souvienne, j’ai toujours cherché à me connaître, de façon différente, bien sur, suivant mon âge. Tantôt cette préoccupation se mettait en veilleuse et ne survivait en moi que de manière confuse, comme entre mes vingt et trente ans, tantôt elle me guidait de façon ferme et claire, comme dans ma petite enfance et après la trentaine. Elle reste en moi plus forte et plus pressante que jamais.
    Chacun a ses secrets.
    Certains les traînent tout au long de leur Vie comme un fardeau, d’autres les chérissent et les conservent avec soin, comme une source de Vie jaillissante où ils puisent leurs forces vives jusqu’à la fin. Pour moi, ces secrets forment le trait d’union entre mon passé et mon présent. Je ne suis de ceux qui traînent derrière eux un poids mort qui les accable. Ce que j’ai jugé de garder, je l’ai laissé vivre et s’épanouir en moi. J’ai l’impression d’avoir su tirer de tous les embrouillaminis de la Vie, peu importait que cela fût gai ou triste. Si le prix a parfois été exorbitant, c’était là sans doute le prix qu’exigeait la Vie. Celui qui a peur de payer trop cher meurt à soi-même.
    Je n’ai jamais senti d’hiatus entre moi et le Monde, ce dont j’ai pris conscience il y a une trentaine d’année déjà, à une époque où je ne soupçonnais même pas l’existence d’une identité de nature entre l’homme et la pierre, entre la matière organique et inorganique. L’énergie que je sens en moi comme une onde de chaleur qui me traverse quand je prononce le mot « JE » ne peut se dissocier de la totalité de l’énergie cosmique. Moi aussi, je suis une partie de l’Univers et parfois c’est celle-ci que je perçois plus intensément que le tout. Je me rends compte que j’ai reçu ce potentiel d’énergie à la naissance, un potentiel étonnamment puissant vu ma santé, ma personnalité et la faculté que j’ai gardée jusqu’à ce jour de me transformer. Mais je sais que l’instant même où il sera épuisé, ce sera fini.
    J’ai voulu me connaître et aussi me transformer.
    Apres avoir pris la mesure de moi-même, je voulais me libérer, atteindre un équilibre intérieur, trouver des réponses aux questions posées, défaire des noeuds et ramener le dessin confus et morcelé à quelques lignes simples. Je voulais parvenir à un état stable, dépasser le désordre émotionnel de la jeunesse, les jeux intellectuels, le mal du siècle qui s’éternise et les angoisses de la créature tremblante du XX siècle : plus de peurs, ni de superstitions, ni d’incertitudes, ni d’engouements passagers. Il fallait éliminer ces obsessions dont on n’a plus aucune chance de se libérer quand vient la vieillesse.
    Tout cela doit paraître terriblement sérieux. Peut-être le lecteur a-t-il déjà devant les yeux l’image d’un visage sévère avec des lunettes, un dentier, des cheveux raides et grisonnants, et d’un stylo ennuyeux, ventru, intarissable que tient une main arthritique et sillonnée de veines bleues.
    Ce portrait est inexact, mais ce n’est pas à moi de juger de mon aspect.
    Je sais seulement que le front est devenu ferme et l’ovale du visage avec ses zones d’ombre exprime une Vie infiniment plus intense que sur mes photographies de jeunesse.
    L’idée d’un Au-delà ne m’intéresse guère. Elle s’apparente un peu, à mes yeux, à l’opium du peuple, on l’exploite comme le gaz ou le pétrole. Dès l’instant où elle surgit, je suis sur mes gardes, elle n’apporte que de fausses vérités et des réponses faciles, mieux vaut s’en méfier.
    Tout ce qui est grand dans le Christianisme, qui est l’un des éléments constitutifs de notre civilisation, se retrouve dans les autres religions.
    Toujours et partout on a tué Dieu pour s’en nourrir.
    Ni les Actes des Apôtres, ni l’Apocalypse, ni l’Eglise n’ont réussi à briser les chaînes de l’esclavage, le Nouveau Testament n’a pas soufflé mot de la désolation qui se lit dans le regard des ANIMAUX.
    Vingt siècles après les Béatitudes, les hommes continuent à se moquer des bossus, des anormaux, des impuissants, des homosexuels, des maris trompés et des vieilles filles.
    Le Christianisme, tout en libérant les hommes spirituellement, n’a pas réussi à les libérer socialement.
    Le siècle qui m’a vue naître et grandir était le seul à pouvoir me convenir.
    Je sais bien que beaucoup en jugent autrement.
    Je ne parle pas ici du bien-être matériel ou du bonheur de vivre dans son propre pays, mais de quelque chose de plus essentiel.
    Femme italienne, où et quand aurais-je pu être plus heureuse ?
    Au XIX siècle avec les mamans et les demoiselles de la bourgeoisie naissante ou les pédantes championnes du Féminisme ?
    Au XVIII siècle, ou à une époque encore plus lointaine lorsque, dans toute l’Europe, jeunes et vieux passaient leur temps à dormir, manger et prier ?
    Tout était déjà en place quand je suis arrivée. Autour de moi s’étalaient des trésors, il n’y avait qu’à les ramasser.
    Je vis au milieu d’un invraisemblable et indescriptible foisonnement de questions et de réponses et pour être tout à fait franche, les malheurs de mon siècle m’ont plutôt servi.
    Je suis heureuse que les énigmes de ma jeunesse aient été élucidées.
    Je ne fais jamais semblant d’être plus intelligente, plus belle, plus jeune, ni meilleure que je ne suis.
    Je choisis mes Amis.
    Je suis libre de vivre où et comme je veux, de lire, de penser ce que je veux, d’écouter qui je veux.
    Je suis libre dans les rues des grandes villes lorsque, perdue dans la foule, je déambule sans but sous une pluie battant en marmonnant des vers, quand je me promène au bord de la mer dans une solitude bienheureuse, bercée par la Musique intérieure, quand je referme derrière moi la porte de ma chambre.

    Rome, le 13 décembre 2007

    D

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